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"Mon cher ami, quand tu auras le temps, donne moi donc un peu plus de détails sur le roman de ta vie"

Le vendredi 10 mai 2024, par Michel Guironnet

Deux anciennes cartes postales de Saint Clair du Rhône ont piqué ma curiosité. Elles sont écrites au début du XXe siècle, pour la nouvelle année, à Ernest Traversa.
Envoyées à Villeurbanne et à La Haye en Hollande, elles m’ont entrainé sur le front des combats de la Somme, dans les pas d’un courageux Sous-Lieutenant de Chasseurs alpins.

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Saint Clair du Rhône - vue générale
Collection personnelle de l’auteur
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Carte de voeux envoyée à Villeurbanne

« Bonne année et affectueux souvenirs B. Picot » à « Mr Ernest Traversa 17 bis Impasse Vialatoux Villeurbanne, Rhône »

Cette signature est celle de Bernard Picot nommé curé à Saint Clair fin mai 1910. Cette carte de vœux ne peut donc pas être envoyée avant fin 1910 ou début 1911…mais elle a pu par contre être envoyée après ! Au maximum pour les vœux 1914, l’impasse Vialetoux devenant rue René Descartes par arrêté municipal du 6 mars 1914.

Qui est Bernard Picot

Bernard Picot est né le 5 mai 1871 à Vienne (Isère), fils de Louis Picot, « jardinier à l’Isle », et de Suzanne Bigot. Ses parents se sont mariés à Reventin Vaugris le 21 janvier 1862. Claude, leur fils ainé, est né à Vienne le 22 août 1864.
En 1885, lorsque Claude part à l’armée pour quatre ans, il habite avec ses parents ; domiciliés à « St Maurice, canton de Roussillon » c’est-à-dire Saint Maurice l’Exil.
En 1891, lorsque Bernard Picot est recensé à 20 ans pour le service militaire, il est « séminariste…résidant à Grenoble »

Dans le recensement de cette année, ses parents habitent au bourg de Saint Maurice avec leur fils Claude et leur belle-fille Marie Anne Perret, native de Saint Clair du Rhône le 28 février 1870, mariés le 14 avril 1891 à Saint Clair. Leur fille, Marie-Louise, nait le 9 janvier suivant à St Maurice.

Dans la « Semaine religieuse du diocèse de Lyon » du 25 novembre 1898, on lit que « M. Picot, maître d’étude au petit séminaire de la Côte Saint André, a été nommé vicaire à Vizille ». Il y est recensé en 1906 comme vicaire du curé Jean Boucher.
Dans le « Moniteur Viennois » du 31 mai 1910, est annoncée cette « nomination ecclésiastique » : « M. l’abbé Picot, vicaire à Vizille, est nommé curé de Saint Clair sur Rhône ». Il se rapproche de sa famille en succédant au curé Benoît Chaduc en poste depuis 1899.

Ma recherche dans le recensement de Villeurbanne pour 1911 pour retrouver Ernest n’a rien donné, ni impasse Vialatoux ni dans les autres rues : qui peut bien être Ernest Traversa ? Un collègue prêtre ou vicaire ? Rien à ce nom dans les « annuaires ecclésiastiques du clergé ».

La seconde « carte de vœux » pose encore plus de questions.

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Eglise de Saint Clair du Rhône
Collection personnelle de l’auteur
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Carte envoyée à La Haye en Hollande

Elle est adressée à « Mr Ernest Traversa 51 Raamstraat, La Haye (Hollande) » : « Mon cher ami, quand tu auras le temps, donne moi donc un peu plus de détails sur le roman de ta vie. Je ne m’explique pas ta présence en Hollande : En attendant bonne et sainte année. Ton vieux maître B. Picot »
Le cachet des Roches de Condrieu est du 31 décembre (probablement)1912.

Le « vieux maitre », expression pleine d’affection pour son correspondant, pourrait surprendre de la part d’un prêtre d’un peu plus de 40 ans. Son « cher ami » Ernest, certainement plus jeune, fut donc son « élève ».
Au début de son sacerdoce, Bernard Picot est « maitre d’étude au petit séminaire de La Côte Saint André »

Qui est Ernest Traversa ?

En fait, Ernest Emile Traversa, né à Vizille le 25 février 1888, n’a pas pu être son élève car bien trop jeune.
Bernard Picot est vicaire à Vizille depuis fin 1898. Ernest Traversa est alors âgé d’un peu plus de dix ans. Bernard Picot reste à Vizille une douzaine d’années. Ernest a pu être son élève au catéchisme. C’est une piste à creuser !

Sur la fiche matricule d’Ernest Traversa est notée cette adresse : « 2 Xbre 1912, La Haye, Raamstraat 51 » Le 2 décembre 1912, il a donc un peu plus de 24 ans lorsqu’il arrive en Hollande. En marge de la fiche, il est indiqué « Légation Pays Bas »
Ce doit être un service du Ministère du Commerce Extérieur (ou appellation équivalente) chargé de développer les échanges commerciaux entre la France et les Pays-Bas.

Engagé volontaire
« Incorporé au 97e régiment d’infanterie à compter du 16 novembre 1908 comme engagé volontaire pour 3 ans le dit jour à la mairie de Grenoble (Isère), arrivé au corps le 18 novembre 1908. Soldat de 2e classe le dit jour. Caporal le 26 juin 1909. Sergent le 26 septembre 1910. Passé dans la réserve le 26 novembre 1911. A reçu un certificat de bonne conduite (et un) certificat d’aptitude comme chef de section. »

Jeune marié et jeune Papa
Il se marie le 13 janvier 1912 à Villeurbanne avec Marie Joséphine Dubiez, née le 11 mars 1890 à Lyon 1er.
Jacques, leur fils, nait à l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon 4e le 19 octobre 1912. Depuis fin janvier, ils habitent 39 rue Ney à Lyon 6e. Mi-août 1913, ils sont 107 rue des Charmettes à Lyon.
Le 22 mars 1914 est noté son changement d’adresse sur sa fiche matricule : « Villeurbanne, passage Vialatour 17 bis ». C’est à cette adresse qu’il reçoit la carte du curé Picot. Le 25 mai 1914, nouvelle adresse à Villeurbanne : 9, Cours de la République.

La guerre est déclarée !
En 1914, Ernest Traversa part au combat avec le 14e Bataillon de Chasseurs.
« Rappelé à l’activité le 3 août 1914 par décret de mobilisation générale. Arrivé au corps le 3 août 1914. Adjudant le 31 décembre 1914. Passé au 28e Bataillon de Chasseurs le 21 juin 1915. Passé au 68e Bataillon de Chasseurs le 24 juin 1915. Nommé Sous-Lieutenant à titre temporaire le 30 août 1916 »

Il est cité "à l’ordre général N° 15 de la 6e Brigade de Chasseurs" : « s’est élancé courageusement à la tête de ses hommes au-devant de l’ennemi qui contre attaquait. A enrayé cette contre-attaque et a organisé immédiatement la position dans des circonstances périlleuses et difficiles le 22 décembre 1915. Croix de Guerre avec étoile de bronze. »

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Sous-Lieutenant Ernest Traversa
Extrait de "Pages de Gloire du 68e BCA"
Le 68e BCA fait partie de la 81e Brigade d’Infanterie rattachée à la 66e Division d’Infanterie. Par ordre du 31 août 1916, le 68e BCA relève le 41e BCA le 1er septembre. Voir le JMO du 68e BCA 26 N 834/4 vue 22/55 :
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e00527e70e260919/527e70e2ad5bc

Le Sous -Lieutenant Ernest Traversa est « tué à l’ennemi » le 5 septembre 1916 lors de l’attaque du village de Cléry-sur-Somme.

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Cléry sur Somme (1er au 6 septembre 1916)
Extrait de « Pages de Gloire du 68e BCA »

Il est inhumé « au cimetière national de Maurepas (Somme) tombe numéro 1521 » . Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Villeurbanne et sur celui de Vizille.

Citation posthume [1] : Traversa (Ernest), Sous-Lieutenant au 68e Bataillon de Chasseurs : très bon officier, plein de courage et de sang-froid, animé d’un grand esprit de sacrifice, est tombé mortellement frappé par un obus au moment où il organisait le terrain conquis.

Ernest Traversa est nommé Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Veuve à 26 ans, Marie Joséphine Dubiez habite 20 rue Saint Georges à Lyon lorsqu’elle vend des bâtiments à Villeurbanne [2]. Elle se remarie le 4 octobre 1919 à Lyon avec Marcel Gerbore, « mécanicien électricien » né à Marseille le 26 septembre 1896.
Jacques Traversa est « adopté par la Nation » à Marseille le 30 juin 1920 [3]

Bernard Picot reste curé de la paroisse de Saint Clair jusqu’en 1921, date à laquelle il est nommé à Saint Etienne de Saint Geoirs. Joseph Jacquin le remplace. En 1928, alors curé de la Tour du Pin, il est nommé Supérieur du Petit Séminaire Saint Antoine. Il est remplacé par Joseph Girard [4].

L’abbé Bernard Picot « chanoine honoraire, supérieur du Petit Séminaire de Voreppe » est membre de l’Académie delphinale depuis 1932. Il décède le 25 avril 1943, à l’Hôtel Dieu de la Bajatière à Grenoble, à l’âge de 71 ans. Il est repose au cimetière du vieux village de Saint Maurice L’Exil dans le caveau familial adossé au chevet de l’église.

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Le caveau de la famille Picot à St Maurice l’Exil

[1Journal officiel du 20 mars 1917

[2Voir le journal "Salut Public" du 24 juillet 1919

[3Le couple doit alors y habiter.
Ils se séparent et Marie Joséphine vit avec Pierre Crestin, né à Arles le 16 avril 1890. Ils ont un fils Louis, né probablement à Lyon 2e le 21 avril 1925. (Son divorce avec Marcel Gerbore n’est prononcé qu’en octobre 1942, elle se remarie « officiellement » le 15 juin 1946 à Vénissieux).
En 1931, ils sont recensés à Dagneux (Ain) à « la Gare » : Pierre Crestin est « électricien chez Rivellin ». Jacques Traversa « beau-fils » de Pierre Crestin est « employé chez Kienété » ?
« Jacques Joseph Traversa, manœuvre », 22 ans ; domicilié avec sa mère à la « Cité des Electrodes » à Vénissieux ; se marie le 3 août 1935 à Lyon 7e avec Yvonne Jeanne Marie Fraud, « culottière » de 22 ans.

[4La Croix du 11 septembre 1928

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