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Le mal de l’insoumission

Le mercredi 1er janvier 2003, par Michel Guironnet

Jean Benoît, l’aîné des garçons VALENTIN, a eu vingt ans en janvier 1798.

Depuis déjà quelques années, dans son village natal de Propières en Haut Beaujolais, il entend parler des " volontaires " qui partent soldats pour défendre les frontières... Mais dans les campagnes, l’enthousiasme révolutionnaire s’est assoupi. Le pays est las de la guerre, du départ des jeunes hommes alors que les cultures ont besoin de bras, des réquisitions grevant encore un maigre résultat (grains, fourrages).

Fabrications et fournitures de guerre font la fortune de quelques compagnies privées et pourtant les soldats manquent de pain. Ils sont irrégulièrement payés avec une solde en assignats.

Tout espoir de paix est vain alors. Au début du Directoire, la France s’est engagée dans une guerre de conquête en Italie (mars 1796). Les victoires de " l’armée d’Italie ", sous les ordres du Commandant en chef Bonaparte entraînèrent un armistice. On prépara la paix. Mais la réaction républicaine à la poussée royaliste en France aboutit à la reprise du conflit.

" Le mal de l’insoumission et de la désertion rongea dès lors les armées de la République (...). L’obligation du service militaire de 20 à 25 ans fut érigée en institution permanente par la loi Jourdan du 19 fructidor An VI (5 septembre 1798) qui instituait la conscription. L’obligation cependant ne comportait pas nécessairement le service. Le Corps législatif (...) avait le droit de n’appeler que le contingent nécessaire pour compléter ou accroître les effectifs (...). Le 3 vendémiaire An VII (24 septembre 1798) 200 000 conscrits furent appelés [1]".

Partout en France a lieu le recensement, à partir de l’état civil, des conscrits. Ils sont répartis en cinq classes ; la première étant les plus jeunes âgés de vingt ans.

Au chef lieu de canton, à Saint Igny de Vers pour la région du Haut Beaujolais, on dresse le " tableau des conscrits " : " sont compris tous les individus nés depuis & compris le 22 septembre 1777 jusques & compris le 21 septembre 1778 [2]

Le rédacteur précise que les dates sont en " vieux style " car depuis 1792 le calendrier républicain est en vigueur !

Le tableau liste tous les garçons concernés pour Aigueperse, Saint Bonnet, Propières, Azolette, Saint Igny :

" N° 31. VALENTIN Jean Benoît 20 ans, 8 mois, 2 jours, cultivateur (à) Propières... " la rubrique " taille " en mètre et millimètre n’est pas remplie.

Jean Benoît étant né le 24 janvier 1778, le document doit être, vu la précision de l’âge indiqué, du 26 septembre 1798 ou en " nouveau style " le 5 vendémiaire An VII... soit deux jours après l’adoption de la loi Jourdan. Etonnant !

Avec notre ancêtre sont inscrits vingt autres " conscrits de première classe " pour Propières. Tous sont cultivateurs.

Dans la colonne de droite du tableau sont portées les observations. Pour le canton de Saint Igny de Vers, la majorité des conscrits est marquée " insoumis, absent. "

Sur les vingt compagnons de Jean Benoît, tous sont insoumis sauf Benoît DUCHARNE pour qui il est noté " au dépôt de St Igny " et Pierre VERMOREL " insoumis et marié ".

Quant à Jean GILLET, qui n’a que neuf jours de plus que Jean Benoît, il est noté " aveugle " mais aussi " insoumis ".

Jean Benoît, " insoumis " lui aussi, n’est donc pas un cas isolé.

Albert Soboul explique : " l’application de la conscription n’alla pas sans difficulté...par suite des désertions. Il y eut un déchet énorme. Sur les 200 000 hommes appelés le 3 vendémiaire, 143 000 seulement se présentèrent aux dépôts, 74 000 rejoignirent leurs unités... "

Il y eut des " appels de contingent " successifs jusqu’à la loi de juin 1799 qui mobilisa les cinq classes intégralement. Le remplacement du conscrit, prévu par la loi du 28 germinal An VII (17 avril 1799) fut supprimé le 2 juillet suivant.

Seuls échappent à la conscription les hommes mariés et ceux atteint d’une déficience physique.

Dans le même dossier des archives du Rhône existe une " liste constatant l’existence des jeunes gens de la seconde à troisième classe sur lesquels doit s’effectuer dans le canton de Saint Igny de Vers le complément de 200 000 hommes, qui est pour le dit canton de 31 hommes ".

Sa date est du 12 floréal An VII (1er mai 1799) :

Seconde classe :

  • Antoine BRIDAY de Saint Igny
  • Etienne VERNUS de Propières
  • Claude SAPALY de Propières
  • Jean CHUZEVILLE de Propières, " tuteur de ses frères et sœurs "
  • Pierre TRONCY de Propières
  • Pierre BESSY de Propières, " en activité à Villefranche " ," déserteur. Réformé par le jury pour la marine ". 

Tous ces jeunes sont " insoumis "

Troisième classe :

  • Benoît BRIDAY de Saint Igny, remplacé par Joseph ROSSAZ, parti pour Chambéry "
  • Antoine BRIDAY de Saint Igny, " insoumis "
  • Jean Baptiste BRIDAY de Saint Igny, " remplacé par Philibert LAFOND à Chambéry ".

A Propières, sur cinq conscrits cinq sont insoumis ! Décidément les jeunes gens du cru refusent d’aller rejoindre l’armée d’Italie (45 000 hommes sous le commandement de Schérer puis de Moreau) obligée de battre en retraite. Bientôt le Directoire va s’écrouler et laisser la place à Bonaparte.

" Contrairement au déserteur, l’insoumis bénéficie de la sympathie et de la complicité de ses concitoyens qui le ravitaillent, l’hébergent et le renseignent sur les préparatifs et les mouvements des gendarmes...Pour ces milliers de fugitifs, la question de la survie passe avant toutes les autres. Or s’ils veulent se procurer la nourriture indispensable pour se maintenir en vie...sans sortir de la légalité, ils doivent gagner de quoi assurer leur entretien.

Pour les réfractaires cachés dans le voisinage immédiat de leur village, c’est relativement facile. Ils peuvent toujours s’embaucher dans les fermes de la localité, d’autant plus que la collectivité est unie et décidée à défendre ses enfants contre les incursions du monde extérieur...Les parents acceptent volontiers le risque d’héberger les hors la loi...Les amis et voisins les soutiennent ".

" Toute zone rurale au terrain accidenté, possédant de petites industries (c’est particulièrement le cas en Haut Beaujolais) est un refuge idéal pour le jeune fugitif, car elle lui offre non seulement une sécurité relative mais une source de revenus...Ceux des jeunes gens qui cultivent les terres trouvent dans les vastes forêts qui les avoisinent des asiles impénétrables aux gendarmes qui ont ordre de les chercher " [3]".

Ainsi que l’explique Alan Forrest : " les jeunes gens s’efforcent par tous les moyens d’échapper à l’armée ". Les exemptions pour raisons de santé sont courantes mais sont sujettes à caution " car les conseils de révision sont composés de villageois souvent attachés par des liens familiaux aux jeunes gens qui se présentent...Comme les célibataires sont automatiquement mobilisés, le mariage est une solution qui permet d’éviter le service ".

Pour Jean Benoît la solution retenue est l’insoumission. C’est une position claire de refus mais aussi une situation plus risquée car la gendarmerie veille !

Pour André BRIDAY son compatriote de Saint Igny de Vers, étant constaté qu’il " est dans un état de phtisie confirmée avec un dessèchement et perte de mouvement de l’extrémité inférieure gauche... il doit être exempt de tout service militaire, vu qu’il ne peut pas même marcher ".
C’est dommage car il mesure, à vingt et un ans, 1 mètre 61. C’est un bel homme aux cheveux châtains clairs et aux yeux bleus [4] !


[1Albert Soboul " La Révolution française " (Tel 1984).

[21 L 779 canton de St Igny de Vers, archives du Rhône. "

[3Déserteurs et insoumis sous la Révolution et l’Empire " par Alan Forrest (Perrin 1988) Lire surtout le chapitre trois " le niveau du refus " pages 57 et suivantes.

[41 L 787 document du 25 mai 1799, archives du Rhône.

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1 Message

  • Le mal de l’insoumission / Suite sur Claude Sapaly de Propieres 3 février 2010 16:22, par jean-pierre SAPALLY

    Jean-Pierre Sapally ;je suis l’arrière arrière arrière petit fils de Claude Sapaly.Ce dernier enfui à Lancié 69 ;a épousé Antoinette Preslier. Un fils est né :Jean-Claude à Lancié le 04 juillet 1820.Il devint cordonnier et vécut à La Croix Rousse 69. Il faisait partie de la Garde Nationale populaire de l’époque.Tres actif déjà à la 2e révolte des Canuts en 1841 il se trouva mêlé à" l’assassinat du commandant Arnaud en Décembre 1870 (voir article sur ce même titre)et acquitté en Avril 1871.
    Son fils Jean-Claude également ;né en 1847 à Lyon épousa Marie-Joséphine Allayne. Leur enfant (mon grand-père)Jean-Baptiste est né le 02 10 1870° En 1882 ;le couple et l’enfant partirent pour Sidi bel abbes (Algérie).Jean-baptiste eut 6 enfants,dont mon père Philibert. Voilà

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