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Le glaive, le sabre et le goupillon

Réflexions sur les migrations des ouvriers et artisans originaires du Massif Central

Le jeudi 1er novembre 2001, par Jean Monange †

Jusqu’à présent nous n’avons examiné que les cas de migration pour des raisons économiques. Chez les bourgeois en sus de celles-là, il y avait aussi, quelquefois d’autres raisons. Pourquoi ne pas aller ailleurs, faire carrière, briguer un titre, assurer la promotion de ses descendants ? Certains l’on fait le parcours de mes ancêtres de Neuvic en atteste, voici leur histoire. 

Cette branche de ma famille va illustrer le lent glissement du statut de possédant rural vers celui plus envié de hobereau citadin et la concentration des biens.

Jean Baptiste Monange (Jean Baptiste II pour le distinguer de son frère aîné) est né en 1760 à Chirac, il est le descendant direct de François Monange né en 1633 à Monange (hameau sis sur la commune de Sérandon), lettré, membre de la Confrérie de Sainte Radégonde (patronne de Sérandon). Jean Baptiste II à l’inverse de beaucoup d’autres de ses cousins a du bien, il vit de ses terres, et de ses métayers, c’est un bourgeois rural. Son frère aîné, Jean Baptiste I est, lui, déjà établi notaire Royal à Neuvic. Jean Baptiste II épouse très jeune Marie Dellestable. Les Dellestable sont une vieille famille de notables de Neuvic, apparentés à la famille de Bort, tous plus ou moins médecins ou notaires. De leur union naît Etienne en 1778, (son père a alors 18 ans : la naissance a sans doute précipité le mariage). Etienne, qui est fils unique, hérite de son oncle Jean Baptiste I qui meurt sans descendant. Etienne a le statut de "propriétaire lettré", il épouse Antoinette Chauvet à 17 ans en 1795 à Neuvic. La famille émigre de Chirac à Neuvic et habite place du marché face à l’hôtel Saint-Mexant appartenant aux Dupuy de Marquès, c’est plus conforme à son statut.

Etienne et Antoinette auront cinq enfants parmi lesquels trois reprendrons le flambeau. Le secrétaire préposé aux registres d’état-civil, malhabile ou facétieux en profitera, est-ce dû au nombre ?, pour ajouter un "s" au patronyme, ces Monange sont devenus Monanges.

La seule fille, Marie, née en 1800, épouse en 1828 à Neuvic, Martin Rigal, fils d’autre notaire de la ville. A cette époque il y a presque plus de notaires que d’estaminets. Le contrat de mariage montre déjà une fortune bien assise, la dot de Marie est confortable, le père Rigal loge et nourrit les mariés et cédera son étude à son fils. Leur fils Jean Antoine Rigal reprendra l’étude de Neuvic de 1856 à 1861.

Le cadet Jean-Baptiste marié à Eléonore Dubernard sera marchand tout en étant lettré, il n’y a pas de cancre dans la famille. J’ai gardé Jean Arnaud pour la bonne bouche c’est la plaque tournante de la suite.


Jean Arnaud Monanges, le petit Talleyrand de Neuvic

Jean Arnaud le "meilleur fils" va être un virtuose de la veste réversible. Après s’être installé notaire Royal à Neuvic et jeté sa gourme, il épouse en 1829 à Ussel, Marie Victorine Isida Forsse, elle a 19 ans lui 29. Les Forsse sont une vieille famille de militaires et de gens de robe d’Ussel. Le père d’Isida est, à l’époque Capitaine, commandant de Gendarmerie. Les Dellestable et Rigal lui faisant un peu d’ombre il ouvre une étude notariale à Ussel. Il est notaire Royal jusqu’en juillet 1830, avocat durant cette révolution, puis de nouveau notaire Royal sous Louis-Philippe, sentant venir de nouveau la révolution il part pour Clermont-Ferrand en 1847. Il s’inscrit au barreau, il devient magistrat durant la révolution de 1848 puis sous le second Empire. Il meurt en 1864 âgé de 65 ans à Clermont-Ferrand. Il a assuré la descendance, Marie Victorine lui aura donné huit enfants. Nous n’en retiendrons que cinq, Marie Léontine, Etienne Gabriel, Emmanuel Antoine, Pierre Marie et Arnaud Nicias.


Marie Léontine fondatrice de l’institut Monanges

L’aînée des cinq, Marie Léontine, dès 1847, à l’âge de seize ans, devient collaboratrice de Madame de Laperrière directrice de la pension Sainte-Cécile de Clermont-Ferrand.

En 1855 elle en prend la direction, tout le gratin Clermontois y fait ses humanités. Après les lois Jules Ferry elle devient directrice d’une annexe de l’école normale de filles du Puy-de-Dôme. Lassée de cet enseignement ouvert à tous elle démissionne en 1899 et vit de ses rentes.

En 1904, Mère Marie-Adèle, Supérieure Générale de la Miséricorde, fait appel à elle pour diriger l’école Saint-Joseph, afin de la maintenir ouverte malgré la loi de 1904 qui interdit l’enseignement aux congrégationnistes. En octobre 1904, elle crée l’Institution qui portera désormais son nom et qui existe encore actuellement sous le nom "Institut Monanges". Avant de mourir en 1913, elle placera l’école sous le patronnage de Sainte-Cécile, ce qui prouve qu’elle connaissait bien la musique. Son frère Pierre Marie, de sept ans son cadet fera des études de médecine à Clermont. Mais, charité mal ordonnée, il mourra d’une mauvaise grippe, à vingt-deux ans avant de savoir pourquoi, elle priera bien pour lui.


Du barreau à la politique Etienne Gabriel

Etienne Gabriel Antoine Monanges est né en 1836 à Ussel, chez ses parents, 148 boulevard de Courtais. Après de brillantes études de droit il s’inscrit au barreau de Clermont en 1860. Il opte pour la Magistrature et devient substitut à Ambertpuis puis il est nommé à Montluçon premier substitut. Enfin, il devient Procureur Impérial à Gannat. En 1868 il épouse à Montluçon Marie Fanny Pain, fille de Jean Commissaire-Priseur en cette ville. Elle est très bien dotée, fille unique héritière de l’étude de son père. Ils auront un enfant Jean Gabriel Maurice qui sera avocat à Montluçon comme son père. Celui-ci est révoqué de son poste de Procureur Impérial lors de la chute de l’empire en 1870. Qu’à celà ne tienne, il se réinscrit au barreau de Montluçon et se fait même élire Bâtonnier plusieurs fois, c’est un excellent poste pour embrasser une carrière politique. Il devient maire de Montluçon en 1874, il le restera jusqu’en 1877. Toujours Bâtonnier, il présidera le bureau de l’assistance judiciaire et fondera l’école libre des frères à Montluçon avant de mourir en 1917 à 80 ans.


La haute administration, Emmanuel Antoine et Arnaud Nicias

Emmanuel Antoine et son frère Arnaud Nicias vont mener des carrières parrallèles, tous deux licenciés en droit, il ne vont pas opter pour la robe mais pour la haute fonction publique. Le premier sera percepteur tout d’abord à Veyre-Monton puis à Montaigut en Combraille et enfin à Clermont-Ferrand. Le second, son cadet, débutera sa carrière comme vérificateur dans l’enregistrement à Saint-Lo en 1876, puis deviendra Inspecteur de l’enregistrement des domaines et du timbre à Paris avant de finir son périple à Clermont-Ferrand comme Conservateur des Hypothèques. Tous deux feront de riches mariages.

Emmanuel Antoine avait épousé en 1876 Marguerite Angéline Grimardias fille de Marie Anne Joséphine Goutay des Bordes, elle même descendante de la famille Tardif de Saint Pardoux par sa mère. Le père de Marguerite Angéline, Jacques Marie Joseph était notaire à Maringues et lui laissait une grosse fortune. En sus des biens, les particules des épouses sonnaient bien aux oreilles.

Arnaud Nicias épousera en 1881 Antoinette Barghon-Raynaud fille d’un riche propriétaire de Tallende, celle-ci apportera dans la corbeille une dot de deux cent dix mille francs de l’époque (soit environ près de quatre millions de nos francs actuels), lui se contentant des 36 000 francs correspondants à sa part d’héritage de Jean Arnaud.

De ce mariage Arnaud Nicias aura deux enfants, Antoinette et Jean. Il faut dire que pendant son séjour parisien de 1881 à 1888, il mènera grande vie, laissant son épouse à Tallende élever sa progéniture. A son retour, assagi, il mènera, vu sa position, une vie bien bourgeoise et dévouée. Il sera Président de la Caisse d’épargne de Clermont, trésorier de l’Oeuvre des fourneaux économiques, et dévôtement conseiller pastoral de l’église Saint-Genès des Carmes puis vice-président de l’association des anciens élèves du petit séminaire de Clermont, mais il mourra en 1910. Sa fille aînée, Antoinette Marie, épousera en 1914 Charles Pierre Tommy-Martin, militaire, qui sera Chef de bataillon et Chevalier de la Légion d’Honneur. Jean, le cadet sera lui aussi un grand militaire, aussi Chef de bataillon et Chevalier de la Légion d’Honneur. Très porté sur le jeu il mourra en 1954 presque ruiné à Tallende. Leurs maisons réciproques existent toujours, à Tallende, à quelques kilomètres de chez moi, moi qui ignorait tout de leur existence il y a quelques mois
Emmanuel Antoine aura quatre enfants Anne-Marie, Gabriel Léon Pierre, Antoine-Jean et Paul Marie Jacques.

Anne-Marie épouse en 1898 Gustave Grilhot. Il est Directeur de l’enregistrement à Paris, déjà Chevalier de la Légion d’Honneur à 31 ans, chef de son oncle Arnaud Nicias, sa mère est Caroline de Hallet. Gabriel Léon Pierre sera prêtre, professeur à l’école privée Massillon à Clermont-Ferrand. Paul Marie Jacques n’a pas fait parler de lui, il meurt en 1945 à 59 ans.

Antoine Jean part à Paris, il y épousera Marguerite de Hallet en 1905, elle est la fille de Joséphine Louise de Hallet et de père inconnu. Cette dernière est venue accoucher en catimini à Reims alors qu’elle habitait Sedan, bizarre ! D’autant que la famille de Hallet est déjà alliée aux Monanges par Anne-Marie, soeur d’Antoine- Jean. Antoine-Jean est devenu agent de change, il réside rue de Florence à Paris. De cette union naîtront, Louise qui épousera Alain Dorémieux puis Jacques de Rigaud de Vaudreille, et Bernard Emmanuel.

Bernard Emmanuel reprendra le métier de son père, il sera agent de change à l’étude Schelcher de Paris. Ayant épousé Marianne Merlin en 1937, il mourra prématurément à 34 ans en 1945, laissant deux enfants, un garçon et une fille à sa veuve. Dominique l’aîné et Marie-Pierre sa soeur vivent actuellement tous les deux en région parisienne.


Merci au Syndicat des Cochers-Chauffeurs de Taxi, au service culturel de la mairie de Meymac, à Monsieur Curlier archiviste de la mairie d’Arbois, à Jean Fualdes, à Pierre Vaux fabricant de parapluies à Saint-Claude, à Marie Louise Monanges épouse de cordonnier marchand de parapluie à Quingey et aux auteurs des ouvrages suivants qui m’ont permit d’écrire cet article :

  • Marc Prival, Les migrants de travail d’Auvergne et du Limousin au XXe siècle, IEMC Clermont-Ferrand 1979.
  • Roger Girard, Quand les Auvergnats partaient conquérir Paris, Fayard 1980.
  • Jean-Claude Roc & Huguette Pagès, Migrants de Haute-Auvergne, Watel 1994.
  • François-Paul Raynal, Les Auvergnats de Paris, Revue L’Auvergne, littéraire, artistique & historique N° 86 1936.
  • Marc Prival & Madeleine Jaffeux, Artisans & Métiers d’Auvergne, Société d’Ethnographie du Limousin Bulletin 56/58 1975.
  • Abel Poitrineau, Remues d’hommes, les migrations montagnardes en France au 17è/ 18è siècles, Aubier/ Collection historique 1983.
  • Jean Anglade, La vie quotidienne dans le Massif Central au XIXe siècle, Hachette 1971.
  • Hebdomadaire "L’Auvergnat de Paris".

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2 Messages

  • Le glaive, le sabre et le goupillon 20 octobre 2012 16:58, par Cloud Rene

    Bonjour, je suis interessé par la SAGA DES MONANGE ; ?JE SUIS UN PETIT FILS DE DELPHINE FRANCOISE MONANGE Né e dans la commune de SERENDON EN 1862 ; mERCI DE ME RENSEIGNER

    Répondre à ce message

  • Le glaive, le sabre et le goupillon 20 juin 2013 09:07, par Dominique Labaume

    Bonjour, j’aimerais me procurer "la saga des Moranges". Cette famille m’intéresse à partir du destin tragique de Madeleine Monanges (1906-1924), trés liée à Gabrielle Barnicaud (Tante Gaby) d’Ambert, laquelle était la soeur d’un de mes grand-oncles, l’avocat de Montauban Maurice Barnicaud. Bien à vous, D.L

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