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Au sujet des exécutions publiques dans la France d’Ancien Régime

Le jeudi 6 février 2014, par Thierry Sabot

La lecture, sur le site Criminocorpus, du dossier de l’exposition consacrée aux exécutions publiques dans la France d’Ancien Régime m’a remis en mémoire les nombreuses relations de sentences publiques recensées dans son Journal par le chroniqueur Pierre Taisan de l’Estoile (1546-1611). Voici les faits connus, à Paris, pour la seule année 1603, sous le règne d’Henri IV :

Samedi 1er mars : Ce jour, furent roués, en Grève [1], tout vifs, trois hommes, dont y en avait deux d’Argentan, et un de cette ville, qui était un aide-maçon, qui avaient volé et tué un pauvre marchand de toiles, en la vallée de Saint-Cloud. Il n’avait que trente écus sur lui, et quant à ses toiles, il les amenèrent à Paris, et en furent découverts miraculeusement par le marchand même auquel il s’adressèrent pour en avoir argent, qui était celui qui les avait vendues au défunt le jour de devant.

Le lundi 28 de ce mois [avril], il y eut un jeune gentilhomme, âgé seulement de dix-neuf ans, qui fut exécuté, en la place de Grève, à Paris, chargé de plusieurs vols et assassinats, et beaucoup d’autres actes méchants et étranges pour la jeunesse qui était en lui : entre autres, d’avoir tué de sang froid un pauvre fourbisseur [2], qui lui demandait quelque argent qu’il lui devait. Il avait une casaque de page, quand il fut exécuté, encore qu’il ne le fût point, mais bien avait accoutumé de la porter à la chasse quand il y allait.
Le bourreau eut bien de la peine à faire son coup, pour ce qu’il ne voulait point mourir, et serrait sa tête si fort contre son col qu’il fallut la lui couper à deux fois : autrement, le bourreau n’en fut jamais venu à bout.

Le mercredi dernier de ce mois [avril] , furent exécutés, en la place de Grève, à Paris, La Grange-Santerre, gentilhomme de grand lieu, un des plus vaillants et déterminés de ce siècle : homme, au surplus, de grand jugement, doctrine et discours, mais insigne voleur ; et avec lui un sien serviteur, qui confessa à la mort s’être trouvé au meurtre du mari de la dame Antoine, pendue à Paris avec son ruffian, l’an 1599 en mars.
M. de Vitry avait fait requête au roi pour ledit La Grange-Santerre, à ce qu’il plût à sa Majesté lui donner sa grâce : ce qu’elle lui aurait accordé à la charge qu’on trouvât que ledit La Grange n’aurait point volé sur les grands chemins (lequel de sa vie n’avait fait autre chose) ; autrement, il voulait absolument que justice en fût faite.
Il mourut fort résolut ; et lui demanda le lieutenant criminel s’il voulait avoir un ministre ou un prêtre : auquel il fit réponse que cela lui était indifférent. Sur quoi on lui fait venir un prêtre, qu’il écouta fort paisiblement et avec grande attention, montrant de grands signes de repentance et conversion à Dieu.
Quand on vint à l’exécuter, il ne voulut jamais être bandé, et dit au bourreau qu’il ne se donnât point de peine et qu’il lui ferait beau jeu : comme il fit.
On a remarqué de lui et de sa maison [3] une chose notable : c’est que son grand-père avait été exécuté pour volerie ; son père en prison, pour le même crime : de laquelle, étant sorti par amis, c’est-à-dire par compère et commère, mourut inconscient après ; et le fils, en une place de Grève, pour la même occasion.

Le vendredi 2 de ce mois [de mai],les deux frères de La Grange-Santerre furent décapités, en Grève, avec un nommé La Rivière, et un autre qui fut pendu : tous grands voleurs, mais principalement La Rivière, qui était un gentilhomme du pays du Gâtinais, qui se faisait appeler le baron Du Plat : vrai athéiste et scélérat jusques au bout. Il y en eut aussi un de la même faction condamné aux galères.

Ce jour [samedi 3 mai] fut pendue, en Grève, une garce, pour avoir jeté son enfant dans le feu aussitôt qu’elle en eut été délivrée.

Le vendredi 10 [octobre], fut pendu et puis brûlé, en la place de Saint-Jean-en-Grève, à Paris, un nommé François Richard, seigneur de la Voulte, du régiment de Saint-Étienne en Dauphiné, accusé d’avoir voulu empoisonner le roi : décélé par le duc de Savoie, auquel il s’était adressé pour cet effet ; lequel voyant que cestui-ci n’était pas homme pour venir à bout d’une telle entreprise, l’avait envoyé à Sa Majesté pour en faire faire la justice et le gratifier d’autant, qui est un trait commun et ordinaire entre les princes. Ce pauvre homme, étant au supplice, dit que jamais il n’avait eu l’intention de faire mal au roi, et que ce qu’il en avait fait et communiqué au duc de Savoie (en quoi il reconnaissait avoir mérité la mort) n’avait été projeté par lui à un autre dessein que pour tirer argent de Son Altesse : dont il avait bien à faire. Ce qu’on croit être la pure vérité, vu sa franche et ingénue confession ; et telle était aussi l’opinion de son président qui le jugea.

Le mardi 2 de ce mois [de décembre], furent décapités, en la place de Grève, à Paris, un beau gentilhomme normand, riche (ainsi qu’on disait) de dix mille livres de rente, nommé Tourlaville, avec sa sœur, fort belle, âgée de vingt ans ou environ, et ce pour l’inceste qu’ils avaient commis ensemble : desquels le pauvre père s’étant jeté à genoux aux pieds du roi, le jour devant, pour demander leur grâce, Sa Majesté lui aurait refusé, ayant fait réponse que si la femme n’eût point été mariée, il lui eût volontiers donné sa grâce, mais que l’étant, il ne pouvait : bien lui donnait-il leurs corps pour les faire enterrer. La reine aussi s’y montra fort contraire, et dit au roi qu’il ne devait souffrir une telle abomination en son royaume.

Le jeudi 18 [décembre], fut pendu, à la Croix du Tirouer, à Paris, un nommé Le Roy, pour avoir falsifié un relief d’appel [4] d’un prévôt des maréchaux, duquel il se voulait aider, comme si M. le Chancelier l’eût expédié.

Le mardi 23 de ce mois [de décembre], fut pendue, en Grève, la servante d’un nommé de Pras, huissier de la cinquième Chambre des enquêtes, pour avoir vendu et livré entre les mains d’un certain jeune homme une fort belle petite fille de son logis, âgée seulement de neuf à dix ans, que ce misérable ayant en possession avait vilainement forcée et gâtée, au grand regret et déplaisir dudit de Pras, son père, et de tous ses parents.


[1L’actuelle place de l’Hôtel-de-Ville à Paris

[2Artisan qui fourbissait, montait et réparait les armes blanches.

[3Sous l’Ancien Régime, ce terme désigne souvent une suite de gens illustres issus de la même souche (ou «  race  » comme le mentionnent certaines généalogies). Mais ce mot peut aussi exprimer la maison de famille (l’ostal ou ousta dans le Sud de la France), c’est-à-dire l’ensemble des biens matériels et immatériels transmis à un héritier. Cf. Familles & ménages de nos ancêtres, au même pot et au même feu.

[4Dans l’ancienne pratique, lettres de relief d’appel ou, simplement, relief d’appel, lettres de la petite chancellerie qui autorisaient à faire intimer ou assigner pour procéder sur l’appel qu’on avait interjeté.

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