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Les petits métiers des lavoirs

Les lavoirs de Gagny (Seine Saint-Denis)

Le jeudi 3 décembre 2009, par Micheline Pasquet

Le village de Gagny ne possédant pas de rivière pour satisfaire a l’entretien du linge de ses administrées. Monsieur Regley Président des Assemblées Municipales ( Le maire) décide vers 1874 de faire construire un lavoir communal au bord du chemin de Neuilly (avenue Aristide Briand) à proximité du ru Saint Baudile et près du chemin de fer. Lieux occupés par le service technique municipal jusqu’à la date de rédaction.

Le 5 août 1875 le choix des prestataires est fait : l’Architecte M. Paul Dolbey, l’entrepreneur M. Pechinot, le charpentier M. Charbonnier. La construction se fait avec un réservoir sur le toit du bâtiment qui existe encore à ce jour. Le lavoir ouvert vers 1876, servait aux familles et aux laveuses pour entretenir le linge de leur clientèle.

Dès 1877 le lavoir est agrandi avec prévision de trois bassins par l’achat d’un terrain à M. Denos Charles situé au lieudit « Le Pré St Faron ». Suite à cet agrandissement Monsieur Regley exige un premier règlement qui est adopté le 15 septembre1879. Une surveillance sévère est souhaitée.

Il faut savoir que certaines dames venant laver leur linge ou celui de leur clientes n’avaient pas toujours bon caractère et entre-elles il y eut quelques accrochages assez chauds. Elles se battaient pour une place avec leur linge mouillé, les crêpages de chignons étaient fréquents, les plus hardies intimidaient les plus timides, sans parler du langage imagé qu’elles employaient.

Un surveillant nommé Lemaître, sera chargé de faire appliquer le règlement.
Le surveillant devra vider les bassins 2 fois par semaine. Veillez à la propreté et à l’ordre. Etre sévère, faire payer la location des cordes à étendre. Empêcher l’accès aux enfants.

Pour les utilisatrices :

  • Interdiction de laver dans le premier bassin strictement réservé au rinçage.
  • Interdiction d’essanger (prélavage) dans le grand bassin uniquement destiné au lavage.
  • Interdiction de laver dans le 3e bassin strictement réservé au lavage des couches.

Chaque personne ne pourra prétendre à plus de 0,90 m de place, ce qui était exiguë pour certaines, car à cette époque n’oublions pas les robes étoffées et longues de ces dames.

Pour satisfaire à la propreté et à l’hygiène, il est défendu d’uriner sur les grilles d’égout !

Il ne pourra être retenu de cordes à étendre. Le maximum ne pouvant excéder 3 par personnes pour que chacune puisse en disposer. Le préposé ne devra accorder de corde que proportionnellement au nombre de lessiveuses plus ou moins considérables certains jours.

Toute personne qui contreviendrait au dit règlement sera punie d’une amende et en cas de récidive sera exclus du lavoir.

En résumé : satisfaction, ordre et propreté pour le public.

Mais malgré les règlements de nouvelles infractions seront repérées.

Des personnes étrangères à Gagny viennent utiliser le lavoir, envahissent les lieux par une grande quantité de linge, et gênent les laveuses de Gagny. Les eaux n’étant changées que deux fois par semaine. À la suite de ces constatations, il est décidé d’établir un nouveau règlement en date du 4 juillet 1884 à la demande de M. Léon Bry nouveau maire :

  • Interdire l’accès au lavoir à toute personne ne résidant pas sur la commune, sauf aux blanchisseuses professionnelles pour les besoins de leur clientèle.

L’appariteur, le garde champêtre et les membres de la commission des eaux du lavoir seront chargés de l’exécution du règlement.

Les horaires d’ouverture du lavoir vers 1895 étaient du 1er octobre au 1er avril : ouverture à 6 heures du matin, fermeture à 18 heures. Et du 1er avril au 1er octobre, de 4 heures du matin avec la fermeture à 20 heures.

Ce lavoir fut fermé par mesure d’hygiène en 1935. En 1938, il accueillera l’atelier public de distillation qui se trouvait dans la cour de la mairie, et sera occupé ensuite par les troupes d’occupation en 1942.

Dans les années 1876, une demande est faite par Monsieur Mallot, auprès de M.ROYER Maire de l’époque afin de pouvoir construire un lavoir privé à côté du lavoir communal, sur un terrain loué à la commune. Cette demande sera accordée par la municipalité, il semblerait que l’ouverture se serait faite vers 1883.

En 1903, ce sera M. Grégoire blanchisseur qui gérera ce lavoir et ensuite la famille Claverie, qui lui donnera le nom de « Lavoir Claverie ».

La plupart des utilisatrices des deux lavoirs venaient avec leur poussette, simple caisse montée sur trois roues. A côté de blanchisseries plus importantes, ces femmes desservaient une clientèle plutôt réduite si l’on se réfère à leur nombre. Ainsi on comptait six laveuses, rien que dans le haut de la rue Jules Guesdes, et trois vers le Sentier des petits clos.

Le bâtiment public n’a guère changé d’aspect extérieur depuis plus de quatre-vingts ans. La porte cochère était surmontée, il y a encore quelques années, de l’inscription « Lavoir », alors qu’un peu plus loin une petite porte et deux fenêtres indiquent une partie habitée.

A gauche en entrant, la chaudière disparaissait sous un bâti en maçonnerie d’où sortaient des tuyaux de cuivre muni de cadran. Un petit escalier métallique conduisait à la partie habitée. Mais ce qui attirait le regard, c’était les deux énormes cuves, sortes de lessiveuses géantes, véritable cœur de l’établissement.

Chaque jour le patron accompagné de son aide montait à l’intérieur pour y entasser les paquets de linge sale apportés quelques heures auparavant. Les deux couvercles, actionnés par des chaînes, descendaient du plafond pour fermer les cuviers. Un étrange personnage, toujours noir des pieds à la tête comme le charbon dont il alimentait le foyer, mettait en route le lessivage qui durait une partie de la nuit. Vers quatre ou cinq heures du matin, les couvercles relevés laissaient échapper un nuage de vapeur. L’arrosage de lessive bouillante avait été stoppé mais les ballots de linge restaient très chauds et fumants. Commençait alors pour le patron et son aide le décuvage et la répartition du linge dans la salle. Travail pénible et malsain.

Au début de la matinée chaque blanchisseuse, assistée parfois d’une aide, reprenait possession de son bien et déployait sur une tablette horizontale les différentes pièces lessivées qu’elle pouvait frotter, savonner et rincer, puisant dans un seau l’eau chaude ou froide à l’un des nombreux robinets.

Les vêtements professionnels très sales, tels que les « bleus » de mécanicien étaient traités dans l’une des deux barboteuses, sortes de gros tambours horizontaux, et séchés dans l’une des essoreuses.

La salle du lavoir bourdonnait comme une ruche très bruyante avec les engins de lavage et les papotages des blanchisseuses, qui quelque fois comme dans le lavoir communal échangeaient entre elles des propos un peu vifs.

Le linge propre repartait vers son lieu d’origine, transporté soit par la blanchisseuse elle-même, soit par le livreur du lavoir.

A la fin de 1926 le garçon de lavoir mourut. Il assurait, en plus du travail sur place, les livraisons grâce à une charrette attelée d’un cheval. Le patron lui trouva un successeur et en profita pour moderniser le service de livraison en lui attribuant une petite automobile « Berliet » avec carrosserie claire et capote de toile noire. Il semble que l’extension de l’activité prendra de l’essor. Un autre garçon de lavoir fut embauché, la voiture insuffisante sera remplacée par une camionnette de marque « Unic ».

Tel était vers 1930 l’établissement, à l’époque de la description. Monsieur Barrès était devenu le patron, époux d’une fille Claverie, elle-même responsable des bains douches situés derrière l’appartement familial.

L’extension du lavoir permettra d’accueillir les blanchisseuses des communes avoisinantes, celles du Raincy, Villemomble, Les Pavillons sous Bois, Sevran, Aulnay sous bois.

Cinq jours par semaine le linge propre et sale circulait sur les routes des environs, ce qui obligea le patron à remplacer la camionnette « Unic » par un véhicule plus important.

Sur place une petite annexe fut construite, la chambre chaude qui permettait de sécher les draps et le personnel augmenta de deux personnes.

Suite à la fermeture du lavoir communal par mesure d’hygiène (délibération de février 1935), Monsieur Barrès, propriétaire du lavoir voisin, proposa à la commune d’accueillir les ménagères nécessiteuses avec des bons de la mairie tous les vendredis. Elles pourront disposer et utiliser 1 baquet à laver, 1 baquet à rincer, des tréteaux et obtenir 1 seau d’environ 16 litres d’eau chaude ou froide pris aux divers robinets, plus de la lessive.

Les difficultés devinrent importantes vers les années 1940 ce qui freinera l’activité du lavoir et peu à peu sa fonction s’étiola.

L’évolution des techniques, la modernisation des méthodes de lavage du linge, l’arrivée des laveries automatiques et des machines à laver chez les ménagères accentueront la disparition de ce service.

Il faut également penser que ce travail de blanchisseuses était particulièrement ingrat, très dur et surtout malsain, elles manipulaient toutes la journée le linge des bien portants mais aussi des malades, sans parler de l’atmosphère chaude et humide, du bruit important produit par les machines.

Nous apprécions en 2008 la facilité d’entretenir le linge dans de meilleures conditions.

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10 Messages

  • Les petits métiers des lavoirs 3 décembre 2009 16:01, par André Vessot

    Bonjour,

    J’ai beaucoup apprécié votre texte, intéressant, bien documenté, amusant parfois qui nous permet de voir l’utilité de ces lavoirs et leur évolution au fil des années. Ils faisaient parti de la vie de nos ancêtres. J’imagine volontiers les scènes de crépages de chignon et le langage imagé.

    Témoignage nécessaire, car aujourd’hui souvent on ne voit plus que l’aspect décoratif de ces lavoirs, qui n’est qu’un aspect de notre patrimoine.
    Bravo pour cet article.
    Bien cordialement.

    André VESSOT

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    • Les petits métiers des lavoirs 5 décembre 2009 08:42, par regnier daniel

      Bonjour, j’ apprécie votre article je n’ai que 60 ans et je me souviens à la campagne dans le poitou avoir aidé ma mère
      en lui roulant sa brouette pleine de linge pour aller au lavoir qui était situé à prés d’ un kilomètre du domicile.
      Il y a un fontaine magnifique qui existe toujours ou les paysans et les particuliers venaient s’approvisionner car nous n’ avions pas l’eau courante. Ce lieu a éte restauré par la commune de Nanteuil 79 lieu dit les grandes fontaines. Cordialement. Daniel

      Répondre à ce message

  • Les petits métiers des lavoirs 5 décembre 2009 09:22, par Marthe Bauce

    Bravo pour votre texte très intéressant. Très agréable à lire, on voit la scène des blanchisseuses en train de se créper le chignon, on entend le bruit des machines et on sent l’atmophère chaude et humide de la salle. Merci de nous avoir fait connaître une petite partie de l’histoire de nos ancêtres.
    Marthe Bauce

    Répondre à ce message

  • Les petits métiers des lavoirs 5 décembre 2009 09:58, par Gérard RIEHL

    Très bel article,bravo.
    Nous avons restauré à Saint-Rémy-sur-Avre le vieux lavoir communal contemporain du vôtre et je me permettrai, avec votre permision, de vous emprunter quelques lignes de votre article pour illustrer la petite exposition que nous ferons lors de son inauguration.
    Encore Merci et au plaisir
    Gérard

    Répondre à ce message

    • Les petits métiers des lavoirs 17 décembre 2009 21:59, par Henri Darré

      Bravo pour ce récit concernant les laveuses en lavoir, que j’ai connues au cours de ma jeunesse....
      J’aimerais revenir sur les commentaires concernant le lavoir rénové de St Rémy sur Avre...n’est-ce pas dans ce lavoir qu’est décédé Raymond Bussières, devenus SDF ???

      Répondre à ce message

  • Les petits métiers des lavoirs 5 décembre 2009 18:56, par JEAN PAUL

    Merci de cet article car j’ai aussi connu ces travailleuses du froid.
    Une de mes grandes tantes était "lavandière". ’Tante Aimée’ avait un ’’protège vent’’ sur le bord de la Rance à 22 Léhon. Elle avait ensuite à remonter sa brouette sur 70 m de hauteur par une côte très raide ; d’où la sangle autour du cou pour compléter l’effort , c’était jusqu’en 1960 .
    A mon prochain voyage en Bretagne je ne manquerai pas de revoir ce lieu et de demander à la mairie s’il ont des archives
    Salutations à tous
    Jean Paul

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  • Les petits métiers des lavoirs 6 décembre 2009 12:22, par yanne

    BONJOUR,
    merci pour votre article qui m’a remis en mémoire les lavandiéres, sur l’Abeille, riviére trés agréable en Corréze.je pense que le lavoir existe toujours, par contre, il existait un lavoir familial à Merlines, qui a disparu avec la construction de la poste et de la mairie, dans les années 60 ;
    j’ai connu le début des machines à laver, mon pére en vendait, toute une époque.
    je posséde encore un battoir à linge de ma grand mére. j’ai connu les brouettes à linge.
    EWP

    Répondre à ce message

  • Les petits métiers des lavoirs 9 décembre 2009 14:55, par origan73

    Merci pour cet article.j’ai deux arrières grand’mères blanchisseuses et habitant Neuilly et Clichy, et cet article me parle de leur vie.
    Merci encore. RD

    Répondre à ce message

  • Les petits métiers des lavoirs 25 janvier 2011 21:31, par chantal

    Merci pour ce récapitulatif, ma grand mère native de Gagny en 1900, m’a raconté que sa maman (mon arrière grand mère) était blanchisseuse au lavoir. Je m’imagine mieux leur labeur...

    Répondre à ce message

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