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Naufrages à quai : une lettre de marin

Le vendredi 27 octobre 2023, par Michel Carcenac

Commandant de l’aviso BACCARAT, Léon Moron sillonne la Mer Égée pendant l’hiver 1929-1930. Ce n’est pas une croisière de tout repos !

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Le Baccarat.

Mis en service en 1922, le Baccarat avait été conçu comme bateau piège pour la chasse aux sous-marins. Il fut construit aux Chantiers et Ateliers de Provence à Port de Bouc. Le Baccarat chauffait au charbon (185 t). Il sera affecté à la Division Navale du Levant jusqu’en 1932 où il rejoindra Toulon pour y demeurer en réserve jusqu’à son désarmement. en 1934.

Les bateaux pièges étaient de petites unités fortement armées, cibles faciles et peu importantes pour que le sous-marin ne gaspille une torpille pour la détruire. Le sous-marin fait alors surface pour couler sa proie au canon, le bateau piège dévoilant lui-même ses armes en attaquant le sous-marin dont la position en surface est très vulnérable notamment pour les servants du canon. L’idée des bateaux pièges revient au Commandant Charcot, l’explorateur polaire. L’Amirauté britannique l’exploita avec les Q-boats.

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La trompeuse silhouette de cargo du Baccara.

Extraits d’une lettre écrite en 1930 à Colette Le Mée, veuve de son ami et collègue sous marinier, Jean Le Mée.

L. Moron
Capitaine de Corvette
Commandant l’Aviso "Baccarat"
Division Navale du Levant
Port-Soudan, 29 avril.

Ma chère Colette,

Je ne vous écris que lorsque je suis seul et c’est normal puisque Geneviève me sert de secrétaire habituel. (…)

Donc, cet hiver, je fus en mer Égée et entrepris le voyage d’Ulysse. Hélas, comme pour lui le moment n’était pas bien choisi. Mauvais temps, tout le temps de la mer, de la neige et des incidents de navigation. A Kastro, dans l’île de Chio, patrie d’Homère, mes ancres chassent dans le port et je suis obligé de rester collé au quai dans la tempête froide pendant quatre jours. J’ai cru que c’était la fin du Baccarat. Nous nous sommes un peu crevés, mais très peu. Nous aurions pu tout simplement couler le long du quai. Vous vous rendez compte des quatre jours que nous avons pu passer. L’équipage en avait les larmes aux yeux. Et rien à faire.

De Chio à Syra, tempête terrible. Obligé de fuir devant le temps et nous mettre par bonheur à l’abri de Délos, l’île flottante, patrie d’Apollon, etc., vue sous la neige.

A Santorin, au milieu d’une nuit, abordé par un cargo grec qui avait arraché les canons du quai dans un coup de vent. Cette fois, notre coupé est "coupée" en deux, fort heureusement car nous aurions été abordés un peu plus loin nous étions crevés. J’ai passé là deux heures tragiques pendant lesquelles tout mon équipage que j’avais été réveillé moi-même poussa avec rage sur cette brute qui voulait nous détruire. Vous auriez été là vous auriez jugé les gens qui parlent de bolchevisme dans la maison. Tous ces types costauds, à poil, grelottants de froid et hurlant comme des forcenés en poussant de toutes leurs forces de bête pour sauver leur vie. C’est épatant tout de même le milieu de la mer.

Pour clore ce beau voyage, le Baccarat est resté en panne au sud de Chypre. J’ai dû appeler au secours et on m’a ramené comme une épave à Beyrouth par une tempête terrible.

Tout ceci est de l’histoire ancienne puisque mon équipée s’est terminée le 20 février. (…)

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Carte de Santorin. Wikipedia commons.

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6 Messages

  • Naufrages à quai : une lettre de marin 27 octobre 2023 10:05, par Colette Boulard

    En effet, le récit contenu dans la lettre n’est pas anodin, témoigne de dures conditions de vie dans un bien rude métier. Connaissez-vous le contexte de cette, ou ces traversées ?

    Répondre à ce message

  • Naufrages à quai : une lettre de marin 28 octobre 2023 22:16, par Annick Harris

    Intéressant ces bateaux piège ou "mystery boats" comme les appellent les Brits ! Apparemment ils étaient encore en usage pendant la 2e Guerre Mondiale et ont coulé environ 7% des U-boats détruits d’après Wikipédia.
    Ce n’est pas de tout repos d’être dans la marine ! Moron pratique bien son sens de l’humour.
    Ravie de vous retrouver sur la Gazette !

    Répondre à ce message

  • Naufrages à quai : une lettre de marin 30 octobre 2023 11:45, par Michel Carcenac

    Chère Colette,
    Le commandant faisait partie de la Division Navale du Levant, ce qui lui faisait sillonner les mers autour de Beyrouth.
    La lettre du commandant Moron est postée de Port Soudan dans la Mer Rouge. Après la croisière apocalyptique dans la Mer Égée, le commandant est reparti, toujours sur le Baccarat pour un périple en Mer Rouge. Je n’ai pas de renseignements sur ce premier voyage en Mer Rouge. Par contre un deuxième voyage en 1933 est largement documenté par un journal personnel du Commandant et vous en retrouverez le début dans un prochain numéro de la gazette.
    Cordialement
    Michel Carcenac

    Répondre à ce message

  • Naufrages à quai : une lettre de marin 30 octobre 2023 11:52, par Michel Carcenac

    Chère Annick,
    J’ai découvert les "Q boats" français avec le Baccarat. Contrairement aux bateaux anglais, qui étaient des bateaux transformés, les bateaux pièges français étaient presque tous construits dés le départ dans ce but. Malheureusement pour le Baccarat, sa construction n’était pas achevée à la fin de la première guerre mondiale et il a été rayé des cadres avant le deuxième conflit mondial. Son tableau de chasse est donc vierge.
    Bien amicalement
    Michel Carcenac

    Répondre à ce message

  • Naufrages à quai : une lettre de marin 30 octobre 2023 18:22, par level

    la vie a bord normale, était quand même périlleuse dans l’attente d’affronter à tout moment un bateau ennemi mais aussi les éléments !!!! c’était surement des marins volontaires
    qui avaient signé un contrat pour une durée déterminée et dont le capitaine répondait et pouvait s’y appuyer à tout moment !!! je ne connaissait pas l’existence de ces " bateaux pièges" de vrais de vrais

    Répondre à ce message

    • Naufrages à quai : une lettre de marin 18 novembre 2023 11:03, par Michel Carcenac

      Cher Monsieur,
      Tout d’abord, merci pour votre fidélité. Je me souviens de votre commentaire sur le centenaire des missions maristes.
      A propos de l’équipage, il s’agit d’un bâtiment de la Marine Nationale. Les marins sont des militaires engagés de façon volontaire. Nous ne sommes pas en période de guerre, donc pas d’appelés. Ces militaires "de carrière" donnent toute leur énergie pour sauver leur bateau. Mais votre remarque prend tout son sens dans les épisodes à paraitre ou un certain contingent, les "tahurias" sont engagés localement ce qui facilite le contact avec les habitants rencontrés le long des côtes de la Mer Rouge, mais je n’ai pu trouver aucun renseignement à ce sujet.
      Amicalemnt
      Michel Carcenac

      Répondre à ce message

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